C’était l’une des productions les plus attendues de cette saison 2019-2020. Et elle fera parler d’elle ! CLASSIQUE ET élégante, ELLE EST TROUBLANTE MAIS EFFICACE…
En effet, James Gray fait le choix des costumes et décors d’époque. Si elle semble un peu désuète, sortie d’un temps où l’art lyrique se couvrait d’une fine couche de poussière, elle n’en demeure pas moins efficace, drôle, belle, et sera, pour des néophytes la parfaite porte d’entrée dans ce monde lyrique, ou du moins, répondra à tous les clichés de l’opéra. Toutefois, moi qui n’avais encore jamais vu Les Noces « en live », j’ai eu l’impression pendant tout le spectacle de voir une production que je connaissais de Youtube; troublant… Et en effet, comme le souligne une critique sur Forum Opéra, les décors, costumes et mêmes le jeux d’acteurs sont fortement inspirés de la mise en scène de Giorgio Strehler de 1973. Je ne sais trop quoi en penser, si ce n’est que c’est classique et joli.

Côté mise en scène, humilité et efficacité l’emportent !
Classique oui, mais surprenante encore plus. Quand on sait que le metteur en scène n’est autre que le brillant James Gray à qui l’on doit plusieurs chef d’œuvre du cinéma d’auteur grand public hollywoodien (Ad Astra, The Immigrant, Two Lovers…), on avait un peu peur de sa vision de l’œuvre, qui aurait pu, comme souvent être provoque et froide. Peut-être suis-je trop habitué à la dénaturation de ces œuvres par des metteurs en scène TROP inspirés ? Lui a fait le choix inverse d’une relecture au goût du jour. Il en a été remercié par le public du Théâtre des Champs-Elysées que l’on sait être quelque peu nostalgique. Ce succès n’est pas qu’esthétique. Le travail sur le jeux est poussé, millimétré et très précis. C’est d’ailleurs à cet unique endroit que l’on distingue une patte hollywoodienne, et c’est déjà énorme !
On doit également souligner la beauté des costumes griffés Christian Lacroix, pardonnez du peu. Comme le soulignait mon amie régisseur générale de cette production, James Gray travaille avec un souci du détail incroyable, tout en étant à l’écoute avec une grande humilité, de tous les interprètes qui l’aiguillent dans sa première mise en scène d’opéra. C’est cette humilité, simple et efficace qui résume cette soirée !

Côté voix, le plateau n’a pas à rougir…
D’abord, les rôles secondaires. La Barberine de Florie Valiquette parvient à nous émouvoir dans le si touchant air de l’épingle (« L’ho perduta… me meschina…« ), et toutes ses interventions sont remarquables. Carlo Lepore (Bartolo), Mathias Vidal (Basilio) et Jennifer Larmore (Marcelline) incarnent parfaitement les « méchants » de l’œuvre, avec espièglerie, et humour.
Vannina Santoni incarne La Comtesse Amalviva avec une très grande sensibilité vocale et théâtrale. La soprane française démontre, après son triomphe l’année dernière dans La Traviata sur cette même scène, d’une compréhension du personnage finement analysé, lui donnant la noble délicatesse qui lui revient. Si elle semble un peu forcer dans les aigus, son interprétation reste sublime. Le Comte Amalviva remporte tous les suffrages. C’est un Stéphane Degout en grande forme que l’on retrouve avec joie ici. Puissant, ténébreux, à la diction parfaite et un sens du récitatif inégalé hier soir il conquiert le public. Autoritaire, et pourtant impuissant face à la situation qui lui glisse sous les yeux, il remplit son rôle avec justesse.

Robert Gleadow propose un Figaro idéal. Vocalement parfait, quoiqu’un début un peu timide; il impressionne par son engagement physique sur scène. Bravo ! Si l’on regrette la superbe Sabine Devieilhe, absente pour un heureux évènement, Anna Aglatova la remplace non sans vaillance. Si le début semble hésitant, elle s’affirme peu à peu en Susanna avec une voix délicate. Enfin, le Chérubin d’Eléonore Pancrazi est superbement incarné. Le « Voi, che sapete… » est plus que superbe ! Elle me confiera à la fin du spectacle, que s’il y avait bien une production où il fallait être, c’était bien celle-ci.
Rhorer et le Cercle de l’harmonie en grande forme
Jérémie Rhorer et son Cercle de l’harmonie présentent des Noces particulièrement convaincantes depuis la fosse. Dirigée finement, l’ouverture est une perfection. Par, ailleurs, si quelque fois, les tempi sont très voire trop rapide, menant à des décalages, la vigueur de l’orchestre rend un beau service à la superbe partition de Mozart. Le chœur Unikanti fait preuve quand à lui d’une grande justesse et ses interventions sont toutes superbes.
Pour conclure, rendez-vous avant le 8 décembre (et oui une date s’est ajoutée pour ceux qui n’avaient pu réserver) au Théâtre des Champs-Elysées pour entendre ce chef d’œuvre de Mozart et Da Ponte. Néophytes et amateurs plus confirmés doivent se faire un avis sur le travail de James Gray ! De plus, n’hésitez pas à m’en parler sur Instagram, ou ici, ou par mails…
https://www.theatrechampselysees.fr/la-saison/opera-mis-en-scene/les-noces-de-figaro
Mise en scène
James Gray
Scénographie
Santo Loquasto
Chorégraphie
Glysleïn Lefever
Costumes
Christian Lacroix
Lumière
Bertrand Couderc
Figaro : Robert Gleadow
Susanna : Anna Aglatova
Le Comte Almaviva : Stéphane Degout
La Comtesse Almaviva : Vannina Santoni
Chérubin : Eléonore Pancrazi
Bartolo : Carlo Lepore
Marceline : Jennifer Larmore
Barberine : Florie Valiquette
Basilio : Mathias Vidal
Antonio : Matthieu Lécroart
Curzio : Rodolphe Briand
Unikanti
Le Cercle de l’Harmonie
Direction musicale : Jérémie Rhorer